1 – Eternité et cosmogénèse
INTRODUCTION : L’UNITÉ ENTRE PHYSIQUE ET PHILOSOPHIE
1 – La « physis » grecque a été à l’origine de la philosophie en démythifiant la nature. Aristote peut être considéré comme le premier grand penseur de l’unité entre science et philosophie. Il eut comme successeur Descartes dont l’œuvre philosophique se double de travaux mathématiques de même que Leibnitz mathématicien remarquable aussi par ses réflexions en cosmologie. Car la coupure s’était déjà instaurée avec Galilée, Copernic et Newton notamment, qui inauguraient l’ère du scientifique spécialisé et la répartition du domaine de la science en disciplines. Kant viendra consacrer cet état de fait en posant la distinction entre science et métaphysique, entre le champ du savoir expérimental vérifiable et celui soumis à l’opinion de la philosophie. Il s’agissait d’établir : « une assignation des limites à l’entendement humain : Kant va établir une ligne de partage entre ce qui est accessible à la raison humaine et ce qui la dépasse, permettant ainsi de distinguer la science et ce qui relève de la croyance (c’est-à-dire de la spéculation)». Bergson pour l’époque contemporaine fut le seul à tenter de dialoguer d’égal à égal avec la biologie et on se souvient de sa critique de la relativité d’Einstein.
Depuis lors selon Heidegger « la science ne pense pas », ne veut plus penser et laisse le domaine de la métaphysique aux philosophes pour se consacrer à la « paillasse » au solide concret et possède de plus le sésame qui ouvre les portes de la vérité : les mathématiques. Le seul domaine laissé aux philosophes est l’histoire des sciences et l’épistémologie. Celle-ci consiste en une position de surplomb externe aux sciences, dont elle conforte a posteriori quelques règles de validation des expériences comme le principe de réfutabilité de Karl Poppers. On notera dans la lignée kantienne la tentative des philosophes analytiques (Russell, Frege, Wittgenstein notamment) d’imposer les règles de la logique formelle au langage métaphysique auquel ils reprochent le manque de rigueur scientifique.
2 – Le retrait du philosophe de la science, résulte tout à la fois un sentiment d’humilité et de grandeur. Humilité puisque ne disposant pas de la formation exigeante pour intervenir de plein pied dans le champ de la science. Grandeur puisque spécialiste de l’universel, la science lui apparaît comme une pratique empirique limitée dont on contrôlera les dérèglements par un positionnement sur l’éthique.
Comment aujourd’hui retrouver l’unité perdue entre science et philosophie et pour ce qui nous concerne entre cette dernière et la physique ? C’est que, contrairement à Bachelard, il n’y a pas de spécificité de « l’esprit scientifique » dont les catégories et la logique relèvent toutes de la raison commune. En particulier, les concepts physiques sont formulés par le langage ; la mathématique et la physique doivent user des représentations mentales de l’espace, du temps, des notions de distance, d’énergie, de masse, de poids etc. On doit définir, avant toute mathématisation, les concepts dont on va user comme par exemple une ligne droite, un point dont on a puisé dans le réel commun la représentation.
3 – L’indépendance de la science et particulièrement de la physique est totalement illusoire, elle doit rendre compte à « l’extérieur » de l’usage et du traitement de ce savoir emprunté à l’expérience de toute une humanité historique. C’est ainsi que nous devons attirer l’attention sur l’imperfection des notions de vide, d’énergie, de mouvement, d’inertie, sur l’absence totale de définition de ce qu’est un objet physique nécessaire avant toute expérimentation ou élaboration mathématique. Nous devons souligner l’aporie d’un raisonnement destiné à extraire la totalité de la matière à partir d’un néant (big bang) et montrer l’insuffisance de la relativité quant à son traitement de l’espace, du mouvement, de l’origine d’une vitesse limite etc…
4 – En définitive, l’unité entre la physique et la philosophie existe dans les faits puisque la base de cette science relève de concepts rationnels dont la définition peut faire l’objet d’une élaboration commune entre savants et philosophes. La philosophie, comme activité de synthèse de tous les savoirs est par essence le lieu du dialogue entre toutes les disciplines. Sans ce contrôle externe, chacune est portée à dériver, enfermée dans sa logique ésotérique, source de tous les dérèglements – dont la physique est à ce titre exemplaire. Nous avons montré dans nos travaux proprement scientifiques dans quelles impasses théoriques se trouve acculée la physique d’essence einsteinienne et la nécessité de poser sur de toutes autres bases un nouvelle physique.
L’heure est venue pour la philosophie de rendre hommage à son initiatrice ancienne en contribuant à son renouveau.
CHAPITRE PREMIER : COSMOGENESE
I – NÉCESSITÉ D’UNE SUBSTANCE PREMIÈRE
La question première en philosophie est de déterminer l’origine de l’univers et sa cause créatrice. Toutes les mythologies, dans toutes les cultures, toutes les philosophies et religions, la science cosmologique elle-même, ont recherché cette cause et tenté de la définir. L’immense majorité des genèses repose sur l’idée d’une création originelle d’une extrême diversité. Il faut en rechercher la raison dans l’impossibilité d’imaginer un processus vital qui soit éternel, la perception première étant celle d’espèces qui naissent, croissent et disparaissent. Notre conception judéo-chrétienne n’échappe pas à cette règle d’une création du monde, mythe qui a été repris sous une forme scientifique par le big-bang.
On s’attachera à présenter les quelques très rares doctrines qui conçoivent un univers incréé sans traiter celles qui supposent un acte et un moment créateurs plus ou moins datés. Il s’agira de passer en revue dans l’histoire des idées les tentatives des philosophes et théologiens pour justifier l’existence d’une substance première éternelle et incréée.
1 - Les présocratiques
On peut dater l’origine de la philosophie grecque aux penseurs présocratiques qui n’interprètent plus la nature comme le lieu d’expression de forces et de dieux mythiques mais dans la recherche d’une cause naturelle première. Selon W Heisenberg[1] :
Pour Thalès de Milet: « L’eau est la cause matérielle de toute chose » ce qui implique le primat de la raison sur et l’idée qu’il doit être possible de réduire toute chose à un principe unique. Thalès a exprimé le premier l’idée d’une substance fondamentale dont toutes les autres ne seraient que des formes passagères. Anaximandre enseigna que la substance fondamentale était infinie, éternelle et se transforme en diverses substances familières.
Dans la philosophie de Démocrite, tous les Atomes sont faits de la même « substance ». Les particules élémentaires en physique moderne ont une masse. Étant donné que masse et énergie d’après la théorie de la relativité, sont essentiellement le même concept, nous pouvons dire que toutes les particules élémentaires consistent en énergie. Cela pourrait s’interpréter en tant que définissant l’énergie comme la substance primordiale du monde. Elle a en vérité la propriété essentielle qui appartient au mot « substance », à savoir qu’elle se conserve. Par conséquent, les vues de la physique actuelle sont très proches de celles d’Héraclite à condition d’interpréter son élément « feu » comme signifiant l’énergie. L’énergie est en réalité ce qui fait mouvoir ; on peut l’appeler la cause première de tout changement et l’énergie peut se transformer en matière, en chaleur ou en lumière.
Dans la philosophie de Démocrite les atomes sont des unités de matière indestructibles. Sur ce point, la physique actuelle prend nettement position contre le matérialisme de Démocrite. Les particules élémentaires ne sont pas éternelles et indestructibles…Il peut se créer de nombreuses particules élémentaires à partir de l’énergie disponible et les particules initiales peuvent disparaître dans les collisions. De tels phénomènes apportent la meilleure preuve que toutes les particules sont faites de la même substance, à savoir l’énergie.
Heisenberg voit dans l’énergie cette substance première et unique qui compose tout corps. Mais ce scientifique comme beaucoup de physiciens tend à « substantialiser » l’énergie qui n’est rien d’autre qu’un concept destiné à mesurer le mouvement et ne peut exister en dehors d’un corps ou substance qui l’exprime. Dès lors, la question « existe-t-il une substance première dont tout est issu » nous semble toujours d’actualité après ces 26 siècles où elle fut posée pour la première fois. Thalès, Anaximandre, Pythagore, Héraclite, Parménide, Anaxagore, Empédocle, Zénon et Démocrite ont, chacun pour leur part, tenté d’y répondre posant les premières bases d’une philosophie de la nature, ancêtre de la physique moderne.
2 – La conception hindouiste du Brahman
Selon la conception hindouiste, Brahman ne peut se définir qu’en énonçant ce qu’il n’est pas. Il est décrit comme la réalité infinie, omniprésente, omnipotente, incorporelle, transcendante et immanente qui est la base divine de toute l’existence. Il est vérité infinie, conscience infinie et bonheur infini. Dans les Veda, Brahman existe depuis toujours et existera à jamais. Il est en toute chose mais transcende toute chose, il est la source divine de toute vie. Brahman est défini dans la Bhagavad-Gītā :
« Cet univers est tout entier pénétré de Moi, dans Ma forme non manifestée. Tous les êtres sont en Moi, mais je ne suis pas en eux. Dans le même temps, rien de ce qui est créé n’est en Moi. Vois Ma puissance surnaturelle! Je soutiens tous les êtres, Je suis partout présent, Je demeure la source même de toute création. »Selon la philosophie de l’Advaita Vedānta, le Brahman est la réalité ultime. Par rapport à lui, tout autre, comprenant Dieu et le monde sont une illusion. Quand l’homme essaye de connaître le Brahman sans d’attribut avec son esprit, sous l’influence d’une puissance illusoire de Brahman, appelée la Mâyâ, Brahman devient le « Dieu (Īshvara)» Il est omniscient, omniprésent, incorporel, indépendant, créateur du monde, son gouverneur et également son destructeur. Il est éternel et immuable. Il est immanent et transcendant ».
Les métaphysiques et les religions, imaginent un processus créateur abstrait sous l’espèce d’une essence (l’âme, le dieu) qui modèlerait la matière du monde pour le créer sans que l’on connaisse ni l’origine de celle-ci ni la procédure de la genèse. Cette puissance divine s’exerce bien sur une matérialité selon des procédés et contraintes qui n’ont rien de magiques. Nous restons au niveau du mythe car ce qui est « immuable, éternel, immanent et transcendant » se doit d’être représenté en concrétude et sortir de l’essence abstraite : s’il y a action divine, encore faut-il qu’elle porte sur un objet physique.
Extraits du livre XII :
1- Nous avons reconnu qu’il y a trois substances, dont deux sont physiques, et dont la troisième est immobile. Maintenant nous allons démontrer, pour cette dernière, que, de toute nécessité, il n’y a qu’une substance éternelle qui puisse être immobile. Les substances, en effet, sont les premiers des êtres; et si toutes les substances étaient périssables, tout absolument serait périssable comme elles. Mais il est impossible que le mouvement naisse, ou qu’il périsse, puisqu’il est éternel, ainsi que nous l’avons établi. Le temps ne peut pas davantage commencer ni finir, puisqu’il ne serait pas possible qu’il y eût, ni un Avant, ni un Après.
2 – Mais l’être capable de mouvoir, ou capable de faire quelque chose, a beau exister, s’il n’agit pas actuellement dans une certaine mesure, il ne peut pas y avoir de mouvement, puisqu’il se peut fort bien que ce qui a la puissance d’agir n’agisse pas. Il serait donc bien inutile de supposer des substances éternelles, et nous nous abstiendrions de le faire s’il ne devait pas y avoir un principe qui fût en état de produire le changement. Mais ce principe lui-même, non plus que toute autre substance, qu’on supposerait en dehors des Idées, ne suffit pas ; car, si cette substance n’agit point, le mouvement sera impossible. Et même elle agirait, que ce n’est encore rien, si sa substance n’est qu’en puissance; car alors, le mouvement ne sera pas éternel, puisque ce qui n’est qu’en puissance peut aussi n’être pas.
3 – Il doit donc exister un principe dont l’essence soit d’être en acte. De plus, il faut que de telles substances soient sans matière; car ce sont les substances sans matière qui doivent être éternelles, s’il y a quelque chose d’éternel au monde. Donc, elles sont en acte.
4 – Mais ici on soulève un doute, et l’on dit : « Il semble que tout ce qui est en acte doit être aussi en puissance, tandis que tout ce qui est possible n’est pas toujours actuel. Par conséquent, la puissance est antérieure à l’acte. » Que si l’on admet cela, pas un seul être ne pourra plus exister ; car il est très concevable que quelque chose ait la puissance d’être, sans être cependant encore. ; Car, d’où pourra venir le mouvement, s’il n’y a pas actuellement de cause qui le produise? Certes, ce n’est pas la matière qui se donne à elle-même le mouvement
5 – On peut se demander aussi : Quel est le premier de tous les mouvements ? C’est là un point d’une importance incalculable. Et. Pourtant, Platon lui-même ne peut dire que ce soit le principe qui, comme il l’affirme quelquefois, se donne le mouvement à lui-même.
6 – Mais si l’univers, dans sa périodicité, reste toujours le même, il faut qu’il y ait quelque chose de permanent et d’éternel, qui agisse toujours de la même manière. Enfin, pour qu’il y ait production et destruction des choses, il faut qu’il existe un autre principe qui puisse agir éternellement, soit dans un sens, soit dans l’autre.
7 – Donc, il y a nécessité que ce principe agisse en soi directement, et qu’il agisse aussi sur un autre que lui. Il faut, par conséquent, qu’il agisse, ou sur l’autre principe, ou sur le primitif. Or, nécessairement, c’est sur ce dernier; car, à son tour, le primitif est à la fois cause pour lui-même et pour l’autre. Le primitif est donc supérieur; car c’est lui, comme nous l’avons vu, qui est cause de l’uniformité éternelle des choses, tandis que l’autre principe est cause de leur diversité. Mais, évidemment, ce sont les deux ensembles qui sont causes de leur diversité éternelle.
8 – Donc, le premier ciel est éternel; donc, il existe aussi quelque chose, qui lui donne le mouvement. Mais, comme le mobile intermédiaire est mû et meut à son tour, il faut concevoir quelque chose qui meut sans être mû, quelque chose d’éternel, qui est substance et qui est acte. Or, voici comment il meut : c’est comme le désirable et l’intelligible, qui meut sans être mû.
9 – Mais, du moment qu’il existe une chose qui donne le mouvement, en étant elle-même immobile et en étant actuelle, cette chose-là ne peut absolument point être autrement qu’elle n’est; car la translation est le premier des changements ; la première des translations est la translation circulaire; et c’est elle que produit le premier moteur.
Il nous faut éclaircir et actualiser la pensée d’Aristote en reformulant la logique de son raisonnement. Le premier constat est que : « Ce n’est pas la matière qui se donne à elle-même son mouvement ». Il faut qu’existe une substance autre qui ne soit pas elle-même en mouvement, un premier moteur immobile, car s’il l’était, il serait également mu et régresserait à l’infini. Aristote met à jour un paradoxe : le mouvement est rendu possible par l’inertie car : « Il n’y a qu’une substance éternelle qui puisse être immobile ». Cette substance est éternelle car : « si toutes les substances étaient périssables, tout absolument serait périssable comme elles ».
Cette éternité implique que : « Le temps ne peut pas davantage commencer ni finir, puisqu’il ne serait pas possible qu’il y eût, ni d’Avant, ni d’Après, si le temps n’existait pas.» Dans la cosmogonie aristotélicienne, il n’y a pas de début du temps, de genèse : l’avant et l’après du temps relèvent du non être. Dès lors : « S’il est impossible que le mouvement naisse, ou qu’il périsse, puisqu’il est éternel, ainsi que nous l’avons établi Il doit donc exister un principe dont l’essence soit d’être en acte».
« Etre en acte » qu’est-ce à dire ? C’est ici la thèse la moins comprise d’Aristote. Cela signifie que cette substance éternelle n’est pas en puissance, comme potentialité, mais EST présente. Et en effet, ce premier moteur, s’il doit être à l’origine du mouvement éternel, ne saurait s’absenter une fois le départ donné, auquel cas le mouvement faute d’énergie permanente cesserait : il ne serait pas éternel. Il faut donc :
« concevoir quelque chose qui meut sans être mû, quelque chose d’éternel, qui est substance et qui est acte, qu’existe une chose qui donne le mouvement, en étant elle-même immobile et en étant actuelle »
Aristote débute sa démonstration par une analyse du mouvement. Celui-ci n’est envisageable qu’à partir d’un état d’inertie absolue d’une substance dont les propriétés ne sont pas matérielles. Car : « il faut que de telles substances soient sans matière; car ce sont les substances sans matière qui doivent être éternelles, s’il y a quelque chose d’éternel au monde. ». Celle-ci doit être incréée et donc éternelle et surtout qu’elle soit en acte, présente ici et maintenant puisque toute la matière en est issue. Nous rencontrons une contradiction selon laquelle cette substance doit être en acte mais doit être sans matière pour être éternelle. Or, être en acte c’est exister, ce qui suppose une présence manifestée par quelques attributs de réalité. Si on veut échapper à l’aporie d’une présence comme pur concept, nous devons supposer qu’il existe « autre chose » que la matérialité mais composant pourtant le réel. Aristote nous a conduit jusqu’ici, mais laisse son questionnement en suspens : existe-t-il une autre substance que la matière et qui pourtant est en acte ?
Notons simplement, pour finir, l’intérêt que présente la démarche qui fut celle d’Aristote d’une physique axiomatique construite a priori à partir de principes et de lois, en raison acceptables.
4 - L’Un de Plotin
Plotin s’inscrit dans la tradition présocratique et notamment de Parménide :
« L’Un est le principe suprême: il est sa propre cause et celle de l’existence de tous les objets de l’univers. Il ne contient en lui aucune multiplicité, aucune altérité, et il est immobile, immuable, et indivisible. L’Un engendre tout, mais il n’y a pas de création divine. Le monde est éternel, il n’a donc jamais eu de commencement. Il est transcendant mais aussi immanent en tout. Il n’est nulle part, mais il est partout. Les objets du monde ont des rapports à des degrés divers, à l’Un, qui est la mesure de toutes choses. Puisque tout est issu de lui, directement ou indirectement, puisqu’il n’y a pas de séparation entre l’Un et le monde comme entre Dieu et sa création, tout est également lié à lui. Il est donc possible de retrouver en chaque être la trace de son appartenance à l’Un ».
La conception de l’Un éternel de Plotin est a plus d’un titre remarquable qui semble même approfondir les intuitions de Parménide en liant le transcendant à l’immanent, en ne séparant pas l’Un et le monde. Il s’oppose à la création divine tout en affirmant que l’Un engendre le Tout. Cependant, il manque ici aussi à Plotin de donner une réalité substantielle à l’Un car il ne peut être cause d’un engendrement de matière s’il est abstrait : ex nihilo nihil fit.
5 – La substance de Spinoza
« Par substance, j’entends ce qui est en soi et se conçoit par soi, c.-à-d. ce dont le concept ne requiert pas, pour être formé, le concept d’une autre chose. Par attribut, j’entends ce que l’intelligence perçoit de la substance comme constituant son essence. Par modes, j’entends les affections de la substance, c.-à-d. des choses qui sont dans d’autres choses par lesquelles elles sont aussi conçues. »
Cette preuve que Dieu – substance indivisible, infinie, nécessaire et sans cause – est la seule substance de l’univers est éblouissante par son économie et son efficacité, et elle présente la beauté simple propre à une déduction logique bien construite. Tout d’abord, établir que deux substances ne peuvent partager le même attribut ou la même essence. Ensuite, prouver qu’il existe une substance aux attributs infinis (c’est-à-dire, Dieu). En conclusion, il découle de cela que l’existence de cette substance infinie exclut l’existence de toute autre substance.
Car s’il devait y avoir une deuxième substance, elle aurait quelque attribut ou essence. Mais comme Dieu a tous les attributs possibles, l’attribut que posséderait cette deuxième substance serait l’un des attributs déjà possédés par Dieu. Mais il a déjà été établi que deux substances ne peuvent avoir le même attribut. Donc il ne peut y avoir, en plus de Dieu, d’autre substance.
Si Dieu est la seule substance, et que tout ce qui est, est soit une substance soit en une substance, alors tout le reste doit être en Dieu. « Tout ce qui est est en Dieu et rien ne peut sans Dieu ni être ni conçu ».
Spinoza identifie cette substance et la nature à Dieu. La conception fondamentale de Spinoza est que la Nature est un tout indivisible, substantiel et sans cause externe. En dehors de la Nature, il n’y a rien, et tout ce qui existe est une partie de la nature amené à l’existence selon une nécessité déterministe. Cet être unifié, unique, productif et nécessaire est tout simplement ce que l’on entend par «Dieu».
Mais qu’est-ce que la nature sinon la totalité de la matérialité ? Aussi deux concepts gouvernent la démonstration de Spinoza : celui de substance infinie et celui de nature dont il s’agit d’analyser les articulations. Si le Dieu est substance infinie, indivisible, et sans cause, on ne saurait la rabattre sur la notion de nature comme matérialité. Dès lors la substance spinoziste est vide de contenu physique, elle recouvre le pur concept d’un Dieu abstrait et le matérialisme de Spinoza est purement relatif. En effet, comment s’articulent les rapports entre cette substance et ses modes ? « Par modes, j’entends les affections de la substance, c.-à-d. des choses qui sont dans d’autres choses par lesquelles elles sont aussi conçues. »
Que sont donc ces modes de la substance sinon les diverses manifestations matérielles de la nature ? Il faut que ceux-ci se déduisent, s’extraient, de cette substance possédant quelques propriétés « réelles » car dans le cas contraire, ces modes seraient issus du néant. Pour éviter cette aporie, il faut que cette substance entretienne des rapports d’engendrement avec la matérialité et pour cela doit posséder quelque « réalité » physique. Il est donc nécessaire d’attribuer à cette substance une réalité physique qui la fait demeurer ici et maintenant dans sa permanence éternelle et incréée.
6 – La création et la question du néant
Toutes les cosmogonies créatives – y compris celle du big bang rencontrent une aporie : celle d’une création à partir du néant vide de matière. Mais qu’est-ce que le néant ?
Il devrait être superflu d’avoir à définir le néant, puisqu’il s’agit du rien, du non être, de l’inexistant. Le néant est impensable « en tant que tel » puisqu’il ne peut s’envisager qu’à partir du plein de l’être, de l’existant, dont il serait en première lecture l’inverse négatif. Cet état « d’être contraire » qu’est le néant supposerait que l’Etre puisse s’en extraire et y retourner selon un cycle classique propre aux étants matériels. Le paradoxe est le suivant : le néant ne peut être posé pour autant que l’Etre soit, ils ne peuvent être posés que simultanément. Et en effet, si l’Etre n’est plus, avec lui le néant disparaît dans une néantisation à la puissance deux.
D’autre part, puisque « ex nihilo nihil fit », on ne saurait extraire quoique ce soit du nihil. L’Etre n’est pas le contraire du non-être et plus exactement ne trouve pas son fondement dans son contraire : l’Etre ne surgit pas lors de la disparition du non-être. Cela signifie qu’il n’existe pas un état tel que l’Etre risque de basculer dans le non être, s’annihiler : l’Etre ne peut pas plus disparaître qu’il ne peut naître.
L’essence de l’Etre est sa permanente présence sans jamais être né ni devoir un jour disparaître. A ce titre il est donc incréé et éternel. Le principe fondateur de l’Etre est d’habiter son concept c.à.d. d’assurer aux différents étants la certitude de leur être-présent. Consécutivement le néant physique n’a pas de sens et ne concerne que les étant soumis au temps dont les individualités disparaissent, s’annihilent.
L’Etre ne peut pas ne pas être, ce qui signifie que le « ce » qui assure la présence de l’univers ne peut disparaître ni naître : Il est éternellement présent. Mais être éternellement présent suppose que « quelque chose » soit qui ne relève pas du pur concept, de l’Idée pouvant disparaître avec la conscience qui l’engendre.
L’éternelle présence du monde se manifeste par un « toujours là » d’une substance qui ne saurait disparaître dans un non-lieu. L’éternité de l’Etre comme présence est donc garantie par celle tout autant permanente de la substance première dont il nous faut rechercher la nature proprement physique.
II – LA SUBSTANCE DE L’ESPACE OU PREMATIERE
Jusqu’à présent toutes les cosmogonies ont traité sur le mode abstrait la question d’une substance éternelle. Il s’agira cette fois d’en démontrer la nécessité sur le plan du réel physique et ainsi établir un pont entre la philosophie et la physique contemporaine.
La physique philosophique est une physique axiomatique déductive qui a pour charge de poser les définitions, principes, concepts et axiomes fondamentaux nécessaires au développement de la physique expérimentale et mathématique. Elle s’impose avant toute mesure et mathématisation de ses objets. Elle s’inspire des concepts de la raison commune et des règles de la science de la logique.
1 – Rien ne saurait naître de rien
S’il y a univers on doit se demander quelle est sa genèse et plus exactement y a-t-il eu genèse en un temps donné du passé, comme nous l’enseignent de nombreux mythes et traditions religieuses ? Or, poser un temps de la création suppose d’avoir à décrire un état d’avant le créé, d’imaginer une situation atemporelle où le temps pas plus que la totalité de la matière n’étaient, bref de faire surgir la matière d’un néant absolu. Mais puisque rien ne saurait naître de rien – ex nihilo nihil fit- si une création ex nihilo est inconcevable alors il ne peut y avoir eu de création. Nous ne pouvons imaginer un univers d’avant l’univers dont les propriétés seraient radicalement différentes du nôtre ; ce pré-univers devrait avoir une genèse et des propriétés particulières et ainsi de suite, en une régression infinie d’états antérieurs ; on ne peut pas plus supposer une création de « bouts d’univers » : l’univers doit exister immédiatement dans sa complétude, sans extériorité, sans arrière monde possible. Toute genèse suppose un état antérieur aussi différent fut-il de notre univers actuel. C’est pourquoi la faiblesse de la théorie du big bang est de faire surgir toute la matière/rayonnement en un temps t sans qu’on puisse déterminer ni son lieu ni son état antérieur. Tout se passe comme si la totalité de la matière universelle était issue du néant. Cette incohérence est dissimulée sous des artifices mathématiques par lesquels on parvient à contracter infiniment le temps, l’espace et la matière.
Consécutivement, s’il apparaît logiquement impossible d’extraire quoique ce soit d’un néant (qui « est » absence absolue de l’être même, de l’espace aussi bien que d’un temps qui débute avec la matérialité), nous devons convenir qu’il ne saurait y avoir eu un temps et des procédures de création. L’être-là de l’univers a toujours été sans avoir surgi d’un ailleurs de lui-même. Si l’univers a toujours été, s’il n’a jamais été créé, on doit le définir comme incréé et éternel. Nous reprenons l’argument ontologique traditionnel qui est celui de Parménide: « il est nécessaire de dire et de penser que l’être est, le non-être en revanche n’est pas. Tu ne saurais reconnaître ni énoncer le non être. Il est impossible que ceci soit prouvé : que le non être est. Le non être, le néant, est une catégorie formelle utile mais sans contenu de réalité. Il est impossible que du néant puisse s’extraire le moindre atome de matière.
Si l’univers est éternel et incréé, on ne peut rechercher une cause créatrice, une procédure, un changement d’état d’une autre substance le faisant passer d’un ailleurs à ici : l’univers éternel est sans cause physique. Consécutivement on ne peut s’interroger sur ses temps, lieux et procédés de création mais seulement constater l’évidence de son être-là. Et il ne peut y avoir de cause première antérieure ni extérieure à un univers éternel.
Inversement, ce qui ne peut naître ne peut disparaître puisque l’annihilation de toute la matérialité suppose un lieu d’accueil et un état post univers qui serait également le « lieu » d’un néant. L’ailleurs suppose toujours un lieu et il ne peut y avoir un hors lieu qui ne serait pas l’espace lui-même. Il ne peut y avoir d’extériorité à l’Univers. Le principe de conservation de la matière/énergie implique l’impossibilité du néant, ce qui exclut qu’un seul milligramme de matière puisse disparaître dans un hors lieu qui serait le néant.
L’univers dans son absolue totalité, s’il est éternel et incréé, ne peut pas être soumis au cycle création/destruction qui supposerait une cause créatrice, un principe d’action: l’univers ainsi postulé ne peut être mû par aucun mouvement, il serait dans son essence, pure immobilité. En effet, s’il devait être soumis au devenir dans sa totalité, il serait contraint d’entrer dans le temps de l’avant et de l’après, ce qu’impose l’exigence du mouvement.
Ainsi, l’univers est-il éternel, incréé, pure immobilité, sans cause créatrice. Nous pouvons reprendre les définitions de Spinoza dans l’éthique (livre 1er) :
« Une substance ne peut être produite par aucune autre chose. Elle sera donc cause de soi, c’est-à-dire que son essence enveloppe nécessairement l’existence, autrement dit à sa nature il appartient d’exister (Théorème 8) ».
2 – Incréation et création permanente
Cependant, cette définition de l’univers statique est inexacte puisque l’observation nous montre que la matière et les astres sont soumis au mouvement, au principe de création et à la causalité des lois physiques. Il importe de distinguer la cause de la création de l’univers dans sa totalité et celle de l’émergence des étoiles et de la matière.
Si cette matière ne peut surgir du néant et, puisque soumise au principe du mouvement, elle doit néanmoins faire l’objet d’une création, être assujettie au cycle création/destruction, avoir une cause d’émergence et dépendre de lois de croissance et de dégénérescence. [2]
Ainsi nous appartient-il de concilier l’hypothèse d’un univers éternel, incréé, immobile et sans cause avec l’existence d’une matière soumise au temps, à la création, au mouvement et à la causalité. S’agit-il d’une véritable opposition telle que les termes soient incompatibles ou au contraire sont-ils complémentaires ? Si l’univers est éternel, cette éternité ne peut cesser par son entrée dans le temps et nous devons être plongés aujourd’hui dans cet univers immuable. Si la matière est soumise à la création et au recyclage elle doit s’extraire d’un « quelque chose » toujours préexistant. Si cette matière est soumise au principe du mouvement, il n’est pas incompatible que celui-ci puisse se déployer à partir d’un état de repos absolu : le premier moteur doit être par définition immobile puisque ce qui met en mouvement l’ensemble des étants de l’univers ne saurait être lui-même mobile. (Cet argument rejoint le premier moteur immobile d’Aristote).Si enfin la matière est soumise au principe de causalité, il n’est pas interdit de penser, comme les philosophes antiques, que la recherche successive des causes doit s’arrêter nécessairement sur une cause première , celle-ci étant impérativement et logiquement sans cause. Aussi, seul un être sans cause peut être à l’origine du système des causes. En effet, il faut que l’origine première soit un être qui n’a besoin d’aucun fondement.
3 – La substance éternelle de l’espace ou prématière
3.1 – Si l’univers éternel est immobilité et que la matière doit s’en extraire, qu’il est en permanence à l’origine du système des causes, il faut qu’il « existe », qu’il ait la réalité d’un objet physique et ne pas relever de la pure idéalité. Il doit posséder quelques propriétés par lesquelles quelque chose existe et se caractérise par une substantialité qui permet son appréhension. Ce qui est éternel échappe à la durée limitée qui est celle du temps et ne saurait avoir ni début ni fin et ne peut naître ni disparaître. Consécutivement, est éternel ce qui n’est pas soumis au cycle de la création et qui pourtant EST car on ne saurait donner statut d’existant à ce qui n’a aucune réalité, à ce qui n’est pas constitué en objet physique quelconque.
Une succession des cycles ne participe en rien de la catégorie fondamentale de l’éternité. En effet, chaque existant créé l’est selon une durée limitée : une succession de durées ne saurait constituer une stricte définition de l’éternité. En conséquence, tout existant qui entre dans le temps par le moyen du cycle continu de la création n’est pas éternel. Aussi, le concept d’éternité ne peut s’appliquer à un existant qui est soumis à une durée limitée pour être.[3]
Ce qui est éternel, incréé et qui échappe à l’ordre successif du temps ne saurait être pure idéalité, mais doit au contraire manifester sa présence permanente en l’espèce d’un objet physique possédant justement les propriétés ci-dessus définies. Si en effet le principe d’éternité ne peut s’incarner que dans des existants qui sont tous dotés d’une durée de vie limitée et que par ailleurs il ne peut être simple concept, il faut bien qu’un quelque chose lui-même étant soit éternel, qu’il existe de façon permanente et qu’il soit, par cette permanence, principe d’immobilité, sans énergie aucune puisque celle-ci supposerait toujours une source extérieure pour alimenter ses déperditions continues.
Si tous les objets de la matérialité sont soumis au temps, nous devons nécessairement supposer la présence d’une substance autre possédant des propriétés radicalement différentes de celles de la matière et à partir de laquelle celle-ci peut naître. Cette substance se doit d’être permanente puisque incréée, absolument immobile et passive puisque sans énergie propre et insusceptible d’un cycle à l’égal de la matière puisque non soumise au temps. Si par ailleurs nous lui accordons le statut d’objet physique réel, nous devons rechercher le lieu de sa présence permanente et immuable.
Cette substance éternelle, permanente et incréée ne saurait occuper d’autre lieu que l’espace de sorte qu’on peut dire que l’espace est le lieu de cette substance et qu’on ne saurait différencier le contenant comme cadre (l’espace) du contenu (la substance de l’espace). [4]
La substance de l’espace ou prématière est un objet physique dont la réalité s’impose théoriquement pour fonder la distinction entre le concept de temps dont relèvent tous les objets de la matérialité et celui d’éternité qui s’applique à cette seule substance de l’espace.
3.2 – Exister, c’est être dans le temps. Temps et Etre ne sauraient se dissocier. A contrario, ce qui cesse d’exister, ne dispose plus de temps pour être. Consécutivement, le temps n’est pas une catégorie abstraite, un pur concept, mais s’accorde à un existant comme une condition pour être. Si l’univers de la matérialité disparaissait, le temps cesserait avec lui. Le temps est saisissable selon le mode de la durée qui est toujours celui d’un phénomène. Dès lors toute durée implique un début et une fin : il ne saurait y avoir un phénomène purement instantané non inscrit dans une durée. Le temps comme durée suppose le passage d’un avant vers un après : le présent d’un phénomène n’est donc jamais immobilité. L’essence du temps doit se comprendre comme participant du principe du mouvement.
Chaque étant dispose d’une durée de vie fixée par des lois physiques et physiologiques et qui constitue son « temps de vie ».Tout existant relevant de l’ordre minéral, végétal ou biologique dispose d’une durée d’être qui est limitée. Cela suppose toujours une origine et une fin, une émergence et disparition, une naissance et une mort. En conséquence, seul ce qui est créé entre dans le temps, la condition pour être est de disparaître, temps et être naissent et disparaissent simultanément. Dans l’absolu, Etre et temps sont intriqués. Si l’être disparaissait, le temps aussi. Si l’univers était réduit à la pure étendue, le temps n’aurait aucune signification et « existence ». Mais le cycle du temps est éternel alors même qu’il ne doit s’incarner que dans des individualités temporelles. L’hypothèse retenue qui est démontrée dans le livre I « cosmophysique », c’est que l’ordre minéral est soumis également au temps, au cycle création/destruction et qu’étoiles et galaxies finissent par disparaître pour que s’effectue le recyclage de la matière et du rayonnement. Tout existant créé suppose le principe d’un cycle naissance/mort par lequel s’effectue la reproduction. Il ne saurait y avoir pure création ex nihilo hors la persistance d’un cycle de la reproduction. Chaque ordre (minéral, végétal, biologique) est doté des procédés de sa perpétuation, de sa reproduction selon un cycle mort/naissance. Aussi, l’univers de la matérialité minérale doit obligatoirement s’inscrire dans un cycle par lequel étoiles et galaxies naissent et disparaissent, ce qui suppose des procédures d’émergence et de disparition des particules tout autant que des photons qui sont issus de la prématière et qui y retournent.[5]
4 – Finitude et infinité de l’espace-substance
L’espace ne peut être délimité par aucun bord tel qu’il se trouvera une fin d’espace, un vide radical, un rien qui serait l’absence d’un lieu. Ne pouvant jamais atteindre un bord, l’espace est sans limite et remplit ainsi entièrement le concept d’infinité: il existera toujours un plus loin que le lieu d’un positionnement ponctuel. L’infini, en tant que concept qui pose le principe du « toujours plus » comporte dans sa dé-finition contradictoirement le principe de l’in-définition, l’impossibilité de poser une limite, de jamais pouvoir arrêter le compte. Cette notion, en tant qu’elle comporte le concept de l’illimité, relève du principe d’éternité en ce que le temps suppose un mouvement dans l’espace, lequel ici ne peut jamais être fini pour être mesuré. On ne peut ainsi fixer un temps initial à un phénomène, une durée comprise entre un début et une fin. L’in-création, le « toujours là » jamais débuté de l’Univers, implique l’infinité de l’espace en tant qu’un mouvement infini ne saurait avoir débuté ni avoir de fin. Au temps infini qui est celui de l’absence de temps de l’éternité correspond l’infinité de l’espace qui indique l’absence de borne le délimitant.
Cependant, l’espace-substance comme objet physique réel, ne peut recevoir supplémentairement une quantité d’espace telle que la « masse » de prématière puisse augmenter, ce qui supposerait un ailleurs d’où proviendrait un surcroît d’espace-substance. Aussi, l’être-là du Cosmos, comme totalité « massique » est définitivement fini dans le temps du présent éternel et ne saurait augmenter ni diminuer d’une seule mesure d’espace-substance. Dès lors bien qu’infini, le Cosmos doit s’envisager comme une totalité définitivement et immédiatement achevée comme « œuvre » et finie dans sa »masse-substance » présente.
L’espace comme « lieu » est pure extension sans limite, on n’en peut atteindre un bord qui serait le lieu du non-lieu. Il est par essence non fini dans toutes les directions et indéfinissable par une quelconque géométrie. Il ne saurait connaître ni expansion ni récession. L’espace comme substance est fini et infini. Si l’espace n’était pas infini, il faudrait supposer qu’une « autre chose » vienne le limiter, il faudrait imaginer une frontière au-delà de laquelle cesserait l’espace, ce qui est inconcevable. D’autre part, l’espace est également fini, la substance de l’espace existe dans sa totalité, car on ne peut penser à un ailleurs de l’espace – un néant – qui viendrait l’alimenter, l’enrichir, l’agrandir.[6]
L’infini-fini de l’espace est conceptualisable seulement s’il est pensé comme substance prématérielle réelle. En effet, tant que la contradiction fini/infini relève d’un traitement mathématique de la distance, il demeure sans contenu d’existant. Dès que l’on donne une réalité substantielle d’objet physique à l’espace, celui-ci ne peut être que fini car tout objet est par définition fini dans le temps.
Fini et infini sont parfaitement conciliables si les deux définitions de l’espace – comme lieu et comme substance – sont saisies simultanément dans leur complémentarité.
5 – L’espace substance comme cause première
Seul un être sans cause peut être à l’origine du système des causes: l’espace est la cause première. L’incréé absolu est l’espace car on ne peut imaginer un espace sans espace d’où il proviendrait. L’espace-substance est pure immobilité, pure continuité. Son essence propre est l’éternité – d’être sans temps pour être. On ne peut raisonner sur les propriétés de l’espace comme on le fait sur celles de la matière. La substance de l’espace est en dehors d’un quelconque cycle car celui-ci impliquerait que l’espace surgisse par transmutation d’une autre substance qu’elle-même et ainsi de suite par régression, à l’infini. Ce qui naît s’extrait de l’éternel pour accéder à la temporalité de l’existant. La matière seule est soumise au cycle de la création. Elle a un lieu d’émergence: l’espace en sa totalité. Elle émane d’une substance présente de toute éternité : la substance de l’espace ou prématière. La matière, en son essence, est de tout temps grâce à la permanence d’une substance d’où elle provient. La condition de la temporalité de la matière est la permanence d’une substance incréée et éternelle.
Il convient de dissocier l’espace-substance continu, incréé, éternel et atemporel, de la matière individualisable, créée et temporalisée. L’espace incréé ne peut faire l’objet d’un cycle auquel conduit logiquement la théorie du big- bang (nécessité d’un big crash car on ne saurait réduire la durée du cosmos aux seuls 12 ou 15 milliards d’années lumière). Pour qu’il y ait création, il faut un lieu et une substance d’origine à partir desquels le créé peut surgir par transsubstantiation d’une matière première. Toute création suppose un changement d’état, une mutation d’un objet physique en un autre. Elle implique également le processus inverse de destruction: l’existant est soumis au temps et ne saurait perdurer éternellement dans son être. Dès lors, s’il se trouve une procédure de surgissement de la matière, il doit en exister une autre qui permette son retour : l’annihilation de la matière est retour à son lieu d’origine, la substance de l’espace. Ainsi le photon ne peut poursuivre indéfiniment sa course et doit perdre progressivement de l’énergie par l’action de résistance de la substance de l’espace. Il s’étale et fini par se fondre dans la prématière.
Tout ce qui existe est temporel et soumis au cycle de la naissance, croissance et disparition. Inversement, la prématière qui n’est pas temporelle n’existe pas (au sens où ex- ister c’est être dans le temps).
6 – Quantité infinie et limitée de l’énergie
L’Univers ne dispose d’aucune source d’énergie provenant d’un ailleurs de lui-même. Aussi, bien qu’infini il contient une énergie finie. Mais, en vertu du principe général de conservation, il ne peut y avoir apport d’énergie sans perte dans un autre système. On doit supposer l’existence de deux substances en deux états différents pour fonder ce principe de conservation et de transfert de l’énergie de l’une à l’autre.
L’énergie est une quantité de mouvement dont est doté un corps, mais son principe ne peut appartenir en propre à la matière. De même, la substance de l’espace possédant la propriété fondamentale de l’inertie ne saurait détenir le principe de son mouvement. Dès lors toute l’énergie universelle doit avoir pour origine un différentiel d’état entre la matière et la prématière tel que le mouvement trouve sa cause dans un déséquilibre entre les deux substances[7] . Celui-ci ne peut avoir d’autre provenance que la variation de la masse de la matière universelle telle qu’un excès ou une diminution de celle-ci suscite des fluctuations internes à la prématière. Il s’agit là d’une conséquence logique de principe de causalité: la matière n’étant pas sa propre cause, elle doit recevoir l’énergie d’un autre qu’elle-même et en l’espèce de la substance de l’espace.
On doit en déduire le principe de conservation générale de l’énergie qui trouve ici son fondement premier: toute perte dans un système suppose un gain dans un autre. Prématière et matière forment un système clos de transfert mutuel, ce qui permet le fonctionnement du cycle de l’Univers. Le cycle premier de l’Univers est ainsi commandé par l’équilibre entre matière et prématière et l’annihilation de matière devra correspondre la création de matière nouvelle (avec cependant des temps d’intense production et d’autres moindres.) Ce principe d’équilibre suppose une densité invariable de matière à partir de laquelle la régularité d’un cycle est possible.
La prématière composant l’espace ne peut être assimilée à une réserve illimitée d’énergie car l’énergie est pur mouvement. Or l’espace-substance est totale immobilité. Il apparaît nécessaire que la production du mouvement universel ne puisse être recherchée dans l’une ou l’autre des deux substances mais dans leurs rapports - d’’autant que l’énergie est une essence immatérielle insaisissable autrement que « dans » le mouvement d’un corps. [8]
Ces fluctuations internes de la prématière ont pour effet de susciter une onde de choc qui engendre rayonnements et particules. Cette onde de choc résulte des vibrations causées par les fluctuations internes à la substance de l’espace.
Il ne saurait y avoir création sans rupture, sans passage d’un état à un autre. Cela est parfaitement expérimenté dans les accélérateurs de particules lorsqu’un photon se transmue en deux particules. La création de matière résulte d’une rupture d’état de la substance de l’espace qui se produit à certaines conditions d’énergie. Etant donné que la matière se crée à partir d’un changement d’état de la prématière, le principe d’un cycle impose que la matière doit fasse retour à son lieu d’origine, la substance de l’espace. Or l’idée d’un cycle suppose un système clos conservant précisément l’énergie universelle tel que la quantité de matière créée correspond à celle qui disparaît. Il existe des seuils à partir desquels un excès d’annihilation de matière suscite une fluctuation de la substance de l’espace de nature à engendrer l’onde de choc créatrice. Il y a ainsi une valeur d’équilibre de la proportion matière /prématière, qui constitue le principe de la genèse universelle. C’est le cycle de la matière qui dans son essence est éternel et qui de toute éternité produit de la matière et la fait disparaître. S’il existe une substance éternelle dotée de propriétés immuables qui conditionnent celles de la matière, alors les propriétés premières de la matière le seront également, dont sa procédure de création.[9]
Cette thèse explique la quasi stabilité de la densité de la matière, ce qui ne signifie pas sa répartition uniforme. La masse globale de la matière demeure assez stable et devrait correspondre à la densité mesurée (5E-30 g/cm3). Pour que de telles fluctuations soient possibles, il existe un écart entre les densités de la prématière et celle de la matière. Car pour justifier le mouvement d’un corps dans la substance de l’espace leur densité doit être différente. De fait, la matière (et le rayonnement) étant une compression de prématière, une particule occupe un volume inférieur à la quantité de substance de l’espace prélevée pour sa constitution. Lorsqu’une particule est annihilée elle restitue à l’espace sa substance, laquelle en se détendant occupe un plus grand volume. Dès lors, le cycle fondamental de l’Univers est commandé par ce rapport entre annihilation et création de matière, entre mouvements de détente et de compression selon les fluctuations du volume de la masse de la matière universelle. L’espace connaît constamment des fluctuations, des ondes de choc, des brisures, des vibrations dont les plus violentes sont à l’origine d’une brutale création de rayonnements et de particules qui engendre un cœur photonique à partir duquel une étoile va produire elle-même ses propres éléments.
De ce qui précède on conclura à l’impossibilité de dissocier les temps, lieux et procédures de surgissement de la matière de ceux de la constitution des astres comme le présuppose la cosmogénèse contemporaine. La succession des cycles de la création est succession des temps de création : on ne peut concevoir une création unique pas plus que celle-ci puisse s’opérer ex-nihilo. A l’inverse la théorie du big bang envisage la création simultanée de la totalité de la matière universelle en un jour j. (hydrogène et hélium principalement). La matière ainsi disponible sous forme de nuages interstellaires doit se condenser puis s’effondrer afin d’enclencher les réactions nucléaires pour fabriquer la suite des éléments. Dans la nouvelle cosmophysique, sans big bang, les étoiles fabriquent la totalité de leurs constituants par prélèvement dans la substance de l’espace (voir livre de cosmophysique). Le cycle création /destruction des étoiles et galaxies qui rythme le grand mouvement de l’univers n’a jamais commencé un jour comme jamais ne finira. Prématière et matière ont donc toujours été, éternellement coprésentes, la matière surgissant de la prématière et y retournant en un cycle toujours renouvelé. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la notion de temps éternel s’appliquant à la matière générique mais non à chaque élément de la matérialité en particulier qui seule reste dans le temps proprement dit.
7 – Propriétés physiques de la prématière
7-1 – Une question principielle se pose: le vide de l’espace a-t-il un sens ? Qu’est-ce donc que penser le vide dans son absolu ? Ce vide-là est synonyme de néant, de totale inexistence. Dès lors, un objet ne pourrait pas s’y disposer puisque le néant serait son lieu. De même le mouvement d’un corps ne rencontrerait aucune résistance, la moindre impulsion lui dispenserait immédiatement une vitesse infinie. Si l’espace ne peut être assimilé à un néant, s’il doit avoir quelques attributs de l’existence, il faut lui en accorder quelques propriétés comme celle d’Etre comme substance. La substance de l’espace ou prématière emplit donc l’espace, tout l’espace. S’il se trouvait une substance quelconque remplissant l’espace, celle-ci ne pourrait être qu’assez radicalement différente de la matière. S’il fut toujours jugé que la grande célérité des ondes électromagnétiques supposait un milieu hautement dense incompatible avec la fluidité d’une substance n’offrant apparemment aucune résistance aux petites vitesses, c’est qu’il fut pris pour référence la densité et la structure discontinue de la matière.
S’il en était autrement, cette substance aurait été depuis longtemps identifiée. On ne saurait dès lors prêter à cette substance tous les attributs qui sont ceux de la matière. On pourrait même inverser la perspective et se demander s’il n’est pas tout aussi autorisé de déduire certaines particularités de la matière de celles présupposées de la substance de l’espace. Il nous semble en effet pertinent de décider de l’ordre des déductions. Rien n’indique que la matière soit première et que tous les autres objets physiques doivent avoir des propriétés qui en découlent.
Nous pourrions ainsi attribuer à la substance de l’espace des propriétés que nous refusons à la matière comme celle d’être contradictoirement fluide et densité. Mais par définition, il ne pourra s’agir d’une densité comparable à celle de la matière car il faut bien que la substance de l’espace s’en distingue par un côté ou un autre. Nous pourrions nous référer à une densité première pour envisager ensuite les rapports qu’elle entretient avec celle de la matière ou densité dérivée. Mais qu’est-ce qui pourrait expliquer cette densité première qui serait celle de l’espace ? Il faut se souvenir qu’une densité est un rapport entre une quantité de matière et un volume. Ce rapport suppose de contracter plus ou moins les molécules et atomes qui vont occuper un volume déterminé. Cela implique une distance moyenne entre les éléments. La célérité de la propagation d’une vibration va dépendre de cette densité c’est-à-dire de la distance séparant ces éléments. Plus ceux-ci seront proches et moins la distance parcourue par un élément pour heurter le suivant sera grande, plus vite la vibration se propagera. Dans les solides comme dans les liquides, la vitesse est fonction de la densité du milieu de propagation. C’est ce raisonnement qui a été appliqué à l’éther et on a conclu qu’il faudrait que celui-ci ait une densité inouïe pour pouvoir propager des ondes E.M à la vitesse fantastique de 299792 km/s. On se contenta de plaquer les propriétés de la matière pour interdire à l’éther un quelconque pouvoir mécanique de transmission des ondes. Cette argumentation supposait qu’il soit possible de distinguer des éléments constitutifs de l’espace et qu’il existe une possibilité de séparer, d’individualiser ceux-ci pour appliquer le concept de densité qui implique un rapport entre un volume et des corps distincts. Or, il n’y a pas d’espace entre l’espace et ce rapport de densité revenait en fait à rapporter le volume de l’espace sur lui-même puisque nous avons affaire à une substance totalement homogène qui ne se donne pas comme discontinue. La mathématique de la densité ne peut s’y appliquer car nous nous trouvons devant une propriété tout à fait distincte de celle de la matière : l’absolue continuité de cette substance.
Ceci entraîne d’importances conséquences comme l’impossibilité d’instaurer un vide entre deux morceaux d’espace, d’insérer un espace entre deux espaces, l’interdiction de pouvoir en prélever un échantillon pour le mesurer et nous en servir d’étalon. L’espace possède cette particularité qui le singularise : d’être une substance totalement homogène et insécable. La matière seule détient les attributs de la discontinuité. On ne peut découper un morceau d’espace pour l’analyser et prouver sa réalité. Cette impossibilité pour apporter une preuve expérimentale directe, explique pourquoi la « substance » de l’espace, bien que supposée, a toujours fait l’objet de beaucoup de scepticisme. S’il s’agit d’une substance absolument dense telle que n’existe aucun espace entre ses éléments, la vibration initiale ne doit parcourir aucune distance pour ébranler le milieu. Elle peut donc se propager à une vitesse dont la valeur n’a plus rien à voir avec celles que nous connaissons pour les ébranlements dans les milieux matériels discontinus. Ainsi, seules les propriétés de continuité de l’espace pourraient autoriser une vitesse comme celle de la lumière
7-2 – Une fois constatée que la densité absolue de l’espace est une condition nécessaire à la vitesse élevée de propagation des ondes électromagnétique nous retrouvons la contradiction entre cette densité et la fluidité constatée du mouvement en son sein. La densité extrême jugée nécessaire à la propagation des ondes électromagnétiques devrait en interdire absolument tout mouvement. . Si la fluidité de cette prématière se donne comme une contrainte attachée à la nature de sa fonction, encore faut-il déterminer EN QUOI cette substance est assez ténue pour présenter une moindre résistance aux déplacements des corps.
Tout d’abord, qu’est-ce qui caractérise un corps rigide ? Un objet est d’autant plus rigide que les éléments qui le composent sont proches, lourds, et présentent une grande résistance au mouvement. Or, la prématière n’est pas composée d’éléments et la notion de poids n’a aucun sens pour l’espace-substance. Le poids d’une masse est relatif à celui d’une autre masse puisque « en soi » la masse ne pèse pas. On ne peut donc mesurer le poids de la prématière puisque celui-ci n’est que relatif à elle-même. Ces deux propriétés – absence de masse, continuité absolue – font que la mise en mouvement de la prématière sous formes d’ondes EM exige très peu d’énergie. En conséquence, une faible impulsion – et en l’espèce le mouvement d’un corps - peut déclencher le mouvement d’une onde qui se propage à la vitesse C. Cette très faible impulsion correspond à la constante h de Planck d’une valeur de 6.626E-36 J, énergie nécessaire pour engendrer une onde EM. On constate donc que le milieu, la substance de l’espace, présente une très faible inertie. C’est donc paradoxalement parce que la résistance du milieu de prématière est faible qu’une onde peut s’y déplacer à la vitesse extrême de 299792 km/s. Et c’est cette faible inertie qui permet le mouvement DANS l’espace des corps de matière sans rencontrer apparemment de résistance. Car cette résistance existe puisque autrement la plus faible impulsion autoriserait des vitesses infinies sur une distance illimitée. Cette résistance croît comme le carré de la vitesse ce qui interdit à un corps de dépasser la vitesse de la lumière comme le formalise les équations de Lorentz interprétées comme augmentation de la masse par Einstein.
Ainsi, ces deux éléments conjugués : rigidité de la substance de l’espace, faible impulsion pour créer une onde consécutive à une très basse inertie du milieu, permettent tout à la fois une vitesse c élevée de propagation d’une onde et autorisent la translation d’un corps dans l’espace apparemment sans résistance aux faibles vitesses. Il faut attribuer à l’espace ce caractère absolument original qui n’a pas d’équivalent pour la matière de pouvoir concilier extrême rigidité de sa substance et fluidité de celle-ci.
En définitive la conciliation entre rigidité et fluidité est parfaitement démontrable par la coexistence des deux constantes fondamentales de la physique : La constante C de la vitesse de la lumière qui suppose la rigidité d’une substance pour fonder cette vitesse ; La constante H de valeur infime (6,626 joules) qui nous démontre qu’une très faible impulsion peut susciter une onde de vitesse C, et prouve la faible résistance et la fluidité de notre espace de prématière. Ainsi, le mouvement est-il encadré par deux limites, celle d’une énergie minimale et celle d’une vitesse absolue.
8 – Complètements aux propriétés de la prématière
8-1 Les trois modes du réel : prématière, état ondo-photonique et matière.
Prématière et matière constituent la substance unique du réel qu’est la totalité infinie de l’univers. Mais cette substance unique se décline selon trois modes différents : prématière, état ondo-photonique et matière. La substance ainsi définie constitue le réel brut qui peut exister hors tout constat d’existence par une fonction d’extériorité. Prématière, ondes, photons et matière sont des étants au sens où ce substantif indique la réalité d’un quelque chose capable d’actions et de réactions. Ils emplissent totalement le concept de réalité physique.
Dès lors, il y a trois modes fondamentaux du réel :
1) Celui de (l’étant) éternel de l’espace dont (l’étant-présent) est une substance qui possède certaines propriétés de la matérialité mais qui n’ex-iste pas puisque non individualisable ni soumise au temps.[10]
2) L’étant en mouvement de l’onde et du photon qui ne peuvent exister qu’à la vitesse de la lumière.
3) L’étant temporel de la matière qui conserve cette substance de l’espace comme condition initiale de son existence /réalité.
8-2 Le concept de prématière permet :
- D’indiquer le lieu d’origine de la matière et celui de sa disparition
- De donner une origine et une réalité d’objet physique aux ondes EM.
- D’expliquer la cause de la vitesse limite et constante de la lumière C.
- D’expliquer l’origine de l’inertie première interdisant aux corps de matière de dépasser C.
- D’expliquer les caractéristiques de l’intrication quantique à distance : lorsque la prématière est mise en mouvement sous forme d’ondes électromagnétiques, ces ondes conservent cette propriété d’extrême rigidité par laquelle cette ligne ondulante préserve sa structure inchangée.
[1] W Heisenberg Physique et philosophie A.Michel 1961 p.58/63
[2] (Une des façons de résoudre cette aporie entre incréation de l’univers et création de la matière, serait de supposer l’incréation de totalité de la matière toujours disponible selon une quantité à jamais fixe. Le cycle création/destruction se ferait à partir du recyclage des nuages interstellaires : création d’étoiles par effondrement gravitationnel et explosion du trou noir en fin de vie, restituant à l’espace la matière pour un nouveau cycle. Cette hypothèse n’est pas recevable car elle suppose qu’on ne puisse créer un seul gramme de matière, ce qui n’est pas conforme à l’expérience. Dans le cadre de la théorie du big bang, il ne peut y avoir création de matière supplémentaire à celle apparue dans sa totalité à T1, il y a 13 milliards d’années. Or, il y a constamment création de matière par transformation du rayonnement en particules. Ce qui devrait demeurer immuable, c’est la quantité d’énergie. Cependant, l’énergie devant se manifester sous forme de rayonnements et la quantité matière/rayonnements devrait rester constante. Mais nous pouvons constamment susciter du rayonnement par de multiples procédés. La question est alors de savoir d’où surgit ce rayonnement. Il faudrait supposer, pour maintenir constante la quantité, qu’il existe également une procédure pour sa disparition. Nous retombons alors dans l’idée d’un cycle création/destruction, c’est l’hypothèse choisie ici.
[3] Ici se pose la question d’un mouvement infini qui serait agi par une énergie finie. Le mouvement perpétuel est un interdit radical en physique mais il semble qu’il ne soit pas respecté puisqu’un photon paraît doté d’une capacité à se mouvoir inchangé sans limite autre que le bord supposé de l’univers ou se condamne à la circularité dans le cadre d’un univers sphérique.
[4] On a du mal à concevoir cette intimité, cette consubstantialité espace/substance tant nous avons été habitués à concevoir l’espace comme vide, comme un cadre qui accueille les objets, d’où cette dualité cadre/contenu par laquelle on essaye de « placer » une substance dans un « lieu » lui préexistant. Or sans contenu, pas de cadre pour y placer les objets physiques.
[5] Les conceptions d’une naissance simultanée des temps, espace et matière (Augustinisme, cosmogénèse du big bang) sont toutes adossées à l’idée de création et n’échappent pas à l’aporie : où se trouvait l’espace avant son extension. Où était condensée l’infinité de la masse de la matière et que faisait Dieu avant la création du monde, sans substrat matériel ?
[6] Il est essentiel pour comprendre la possible conciliation entre finitude et infinitude de traiter l’espace selon deux modes : l’espace-métrique comme cadre où les objets se disposent et lieu de leur mesure, et l’espace-substance comme objet physique composé de prématière. La notion de « toujours plus » ne peut s’appliquer à l’espace-substance puisque cela suppose de rajouter, à partir d’un lieu externe à l’espace lui-même, de la prématière pour en étendre la distance, sur le mode métrique, qui serait alors infinie effectivement. Or l’espace-substance doit se comprendre comme une totalité finie sans extériorité et on ne peut pas ajouter de prématière à partir d’un quelconque néant. La quantité de matière est infinie mais, comme existant, l’univers est nécessairement fini. Nous passons du plan de la mesure, de la quantité à celui de l’ontologie. Cela prolonge l’idée qu’il n’y a pas d’extériorité à l’univers et que par conséquent l’univers est fini, qu’il ne peut recevoir de quantité d’un ailleurs que lui-même et que par conséquent, il est fini au sens d’achevé. On pourrait écrire : l’univers est achevé et infini. Pour être dans le temps, pour exister, il faut qu’un objet soit individualisable, achevé dans son « être-pour-exister ». Dans la seconde actuelle du temps présent, tout ce qui est a une réalité d’existant. La totalité du monde, même infini, a une présence totale à lui-même. On cohabite ainsi dans le présent avec la totalité infinie achevée de l’univers.
[7] S’il y a immobilité, il n’y a pas mouvement et donc absence d’énergie. L’espace de prématière ne doit pas être conçue comme une sorte de réserve d’énergie mais à l’origine de toute création d’énergie (du mouvement). Quel serait en effet le contenu de cette « citerne » où serait disposée l’énergie en attente d’action? Comme objet physique substantiel, qu’est-ce « l’énergie » ? A-t-on jamais pesé un seul gramme d’énergie pure qu’on aura réussi à isoler/extraire d’un corps ?
[8] Nous pouvons imaginer un univers sans matière, totalement amorphe qui aurait pu être avant le surgissement de la première particule. La parution de la matière suppose un déséquilibre qui sortirait la prématière de sa torpeur. L’émergence de cette première particule renverrait à nouveau à la problématique de la genèse et création du temps. Or, totalement étale, sans cause extérieure possible, un tel déséquilibre ne peut absolument pas se produire. Consécutivement, de toute éternité, ce déséquilibre a déjà existé. La matière est donc d’une présence éternelle. La cause de la matière est dans ce déséquilibre, cette différence de potentiel, ce rapport entre matière et prématière. Ce principe de déséquilibre est lui-même éternel puisque TOUJOURS de la matière a été créée. Ce principe de la création ne peut avoir été lui-même créé car il faudrait imaginer un autre principe de création antérieur et donc une régression à l’infinie.
[9] On pourrait se demander pourquoi la prématière ne serait pas elle aussi temporelle puisqu’elle subit une transformation (un cycle) pour passer à la matière. Or cette mutation, c’est justement ce qui permet de temporaliser la matière : donc la prématière n’est temporelle que si elle passe à l’état de matière, si elle n’est plus elle-même, ce qui n’a plus de sens. Consécutivement, la prématière qui ne devient jamais matière, qui reste en son état, demeure éternelle. La matière paraît et disparaît dans le cadre d’un cycle. Le cycle ne peut à la fois concerner la matière et cette substance dans le même temps puisque c’est la prématière qui en se transformant en matière constitue ce cycle. Pour qu’il y ait cycle de prématière, il faudrait que celle-ci naisse et disparaisse en tant que telle, sans se changer en matière.
[10] Pour explication plus détaillée, se reporter à notre livre : « Nouveaux principes de physique et de cosmophysique »